Du 20 au 23 août 2015 a eu lieu à Prague le championnat d’Europe de shogi (ESC) ainsi que son célèbre Open international (WOSC). Plusieurs français y étaient, dont des prétendants pour les titres des différents tournois : principal, par équipe, blitz, Dobutsu. Voici un petit résumé de ces quelques jours passés en compagnie de près de 120 joueurs internationaux.
Cette année, le Championnat d’Europe / Open mondial avait lieu à Prague. Après plusieurs organisations successives en Europe de l’Est (Minsk en 2014, Budapest en 2013, Cracovie en 2012), le tournoi revenait en République Tchèque, pays où il s’était déjà déroulé 3 fois, mais jamais dans sa capitale. Nul doute que ces circonstances allaient permettre d’avoir une participation record (plus gros nombre de préinscrit jamais enregistré en Europe) et une organisation en béton.
Il est de coutume que le premier rassemblement européen annuel de shogi débute par un tournoi par équipe. Cette année, avec pas moins de 7 joueurs (Jean Fortin, Anh Tuan Nguyen, Christophe Weimann, Gille Ruin, Benjamin Briffaud, Fabien Osmont et Jérémy Pagès), il était envisageable de monter une équipe qui soit respectable, voire une seconde avec un joueur isolé cherchant une équipe pour l’accueillir (les Gaulois, en l’occurence). Malheureusement, l’organisation de la délégation française ayant été approximative dans sa préparation et les joueurs n’arrivant qu’au compte goutte, la France ne fût pas représentée à ce tournoi. Quelques joueurs « dissidents » (Gilles Ruin et Fabien Osmont) ont décidé de porter secours avec toute leur bonne humeur à l’équipe belge, dirigée par Frédérik Verheyven (à noter qu’ils avaient apparemment quelques souvenirs et tournées de bière en commun). L’équipe a fait ce qu’elle a pu dans cette compétition, mais force est de constater qu’il fut difficile de s’aligner contre des équipes très fortes : le podium de 9 joueurs est ultra majoritairement composé de joueurs Dan :-o.
Les résultats via ce lien.
Pour cette première journée, la mise en jambe était presque finie, après les 5 rondes du tournoi par équipe. Vint ensuite le réel échauffement : le tournoi de blitz. Pas moins de 9 rondes en à peine 2 heures, avec une cadence de 8 minutes absolues. Pour les habitués des ultra blitz ou des parties sur internet, cela ne fût pas trop difficile, mais pour les compétiteurs sérieux, jouant en 45 minutes + 40 secondes (la cadence du tournoi principal), cela allait être plus difficile à négocier. Gilles en fit d’ailleurs un peu les frais et j’en ai profité pour gagner (au temps) un honorable (comprendre âgé) Japonais 3 Dan qui fatiguait.
Les joueuses féminines professionnelles Hiroe Nakai Joryu 6-Dan et Madoka Kitao Joryu 2-Dan ont par ailleurs fait honneur à ce tournoi en y participant et en acceptant de jouer à handicap avec leurs adversaires le souhaitant. Nakai-sensei a d’ailleurs profité de sa venue pour prodiguer des conseils lors de parties simultanées, prises par tous mais plus spécialement par les enfants.
Comme d’habitude, pas de surprise, « Monsieur 2500 » (mon surnom pour Kawoto Makoto) a remporté ce tournoi avec le score parfait de 9/9, mais saluons néanmoins la performance de Jean, qui finit 6e avec 7/9, ne perdant que contre Mr 2500 et un autre Japonais complétant le podium.
Suivez ce lien pour voir les résultats.
La deuxième journée a vu le tournoi principal commencer, avec d’un côté l’European Shogi Championship, rassemblant les 32 meilleurs joueurs européens au classement, et de l’autre, le World Open Shogi Championship. L’ESC fonctionne sur un système d’éliminatoire inversé (le meilleur rencontre le moins bien classé et on se rapproche du milieu ainsi), et les perdants sont reversés dans le WOSC. Si le WOSC est plus l’occasion de rencontrer des joueurs de 3 continents (ni Africain ni Océanien, mais un Chilien et beaucoup de Japonais), l’ESC représente ce qui se fait de mieux en Europe, avec le Champion d’Europe 2014 (Karolina Styczynska) devenue joueuse professionnelle de shogi et Jean Fortin, triple champion d’Europe, vainqueur de l’International Shogi Forum en 2011 et finaliste en 2015.
Témoin du niveau relevé de la compétition, cette année il fallait avoir un ELO de 1674 pour être dans les 32 ! Les forts kyu Français furent très surpris, sachant qu’il était usuel d’être qualifié avec un ELO de 1200 il y a encore 4 ans. Du coup, seul deux joueurs ont représenté la France lors de l’ESC, Jean Fortin et Anh Tuan Nguyen. Après les 3 premières rondes de cette journée, Jean était toujours en course, se surprenant lui même si un peu aidé par le tirage (tête de série).
La soirée étant libre de toute occupation shogistique, c’était la soirée parfaite pour un repas-gala.
Prague, troisième jour. 9H20 (oui, mais j’avance un peu). Du coup, j’arrive avec un bon quart d’heure de retard à ma pendule mais une des deux demi finales n’a pas commencé (pas celle de Jean contre sa némésis hongroise, Lazslo Abuczki), comme quoi, il y a des tournois de shogi à deux vitesses (bon, deux tournois différents, donc je ne vais pas chipoter). Jean n’est pas le moins gêné par mon débarquement tardif, mais beaucoup plus par la caméra retransmettant en direct le shogi-ban dans la salle d’analyse. Cela ne l’empêche pas pour autant d’accéder à la finale, face à un Ukrainien 3 Dan un peu inconnu du bataillon (première partie classante fin 2013 et une défaite en ¼ de finale contre Karolina l’année dernière). Heureusement, Jean avait eu le temps de réviser hier soir sur 81 dojo les kifu de ses adversaires potentiels, et avec une fin de partie haletante (je sais, j’y étais), Jean a réussi le tour de force de reconquérir son titre de Champion d’Europe.
Après ses 3 couronnements successifs (2009-2010-2011), Jean se rapproche ainsi du record de Arend Van Oosten, un Néerlandais qui jouait sans doute déjà au shogi alors que je n’étais pas né, et qui a gagné 5 titres (1989, 1993, 1996, 1999 et 2006). Rencontrer des adversaires très bien classé lui a également permis de monter au classement ELO, confirmant sa récente promotion au rang de 4 Dan européen (sans doute une première depuis 15 ans). Félicitations à lui !
Pour se reposer de cette journée à 4 rondes, les participants avaient le choix : un tournoi de Dobutsu ou une Assemblée Générale de la FESA. Les deux événements étaient limités en places, mais bizarrement le tournoi fut plus rapidement complet. Il fut l’occasion pour certains de découvrir que 5 minutes absolues est largement trop, et que 30 secondes suffiraient. A contrario, des analyses plus longues que les parties étaient entamées par certains joueurs et l’organisation y mit bien vite un hola pour éviter tout débordement. Car, malgré cette gestion dictatoriale, le tournoit finit à 23h00, et pour la majorité des participants (des enfants de 8-12 ans), cela représentait bien plus tard que le couvre-feu parental habituel.
À noter que les joueurs français n’ont pas démérité avec des hauts (je m’auto-cite avec un très beau 6 sur 9, perdant contre 2 des 3 premiers, ainsi que Gilles à 6/9) et des bas (tout le monde n’avait pas la même préparation ou les même objectifs), avec surtout un Christophe rassuré de ne pas rentrer avec un 0 pointé et un remontage de bretelles par son fils, joueur invétéré de Dobutsu sur 81 dojo.
Vous trouverez des résultats relativement faux sur ce lien, sachant que Thomas Leiter est arrivé second, derrière Hideaki Takahashi. Ce dernier arborait discrètement son grade de 6 kyu au Dobutsu, mais soyons honnête : il méritait d’être Dan plus et préférait rester humble.
Il faut néanmoins rester réaliste, le niveau japonais est toutefois un niveau plus élevé, notamment quand un ancien joueur 2 Dan de la Shorekai, Hideaki Takahashi participe au WOSC. Ce dernier confessait néanmoins lors de sa partie contre Jean le quatrième, avoir été impressionné par une séquence non attendue, et plutôt en danger à ce moment. Mr Takahashi gagna tout de même la partie, et finit premier du WOSC, devant Mr Kawoto … et Jean Fortin finit 3e !
Pendant ce temps, les autres Français ont eu des résultats très intéressants, puisque presque tous ont eu une augmentation ELO à la fin du tournoi. Saluons en particulier la double performance de Christophe Weimann contre deux joueurs Dan, et qui n’est pas passé loin d’une troisième victoire contre plus gradé que lui.
Plus de résultats et de photos directement sur le site officiel de l’événement.